La philosophie de Sartre, loin d’être préhistorique, « annonce » la contestation moderne du sujet humaniste ; penseur des situations, Sartre n’a jamais, quoi qu’en aient dit Foucault et Bourdieu, posé à l’intellectuel universel ; aimant passionnément écrire, il est sans doute le dernier « grantécrivain », pour reprendre un titre de Dominique Noguez, i.e. à la fois écrivain (ce n’est pas la condition la plus aisée à remplir), « trans-écrivain » (polygraphe), « méta-écrivain » (critique généreux), « théoricien ou éthicien », « présent au monde » enfin, capable d’en suivre les méandres, d’en nourrir les questions. Aussi n’est-ce pas un hasard si Sartre « revient » au moment même où la mondialisation, c’est-à-dire (simplifions) la confiscation de l’idée de liberté par le libéralisme capitaliste, se voit contestée au nom d’une (certes sympathique) pensée du terroir (de gauche, à la José Bové). Peut-être notre époque a-t-elle besoin de relire Sartre pour retrouver une autre vision de la liberté, et un chemin entre ces deux antagonistes, la Bourse et la truffe : souhaitons qu’entre Rockefeller et le roquefort, il demeure un espace pour Roquentin.
(Jean-François Louette)
Avec la participation de Michel Contat, Jacques Lecarme, Jean-François Louette, Jean-Pierre Morel, Gilles Philippe.