L'Âge d'or du mythe de Babel (1480-1600)
L'Âge d'or du mythe de Babel (1480-1600)
De la conscience de l'altérité à la naissance de la modernité



Date de parution : 2006
ISBN : 978-2-84830-080-1
17 x 24,5 cm
dos carré collé
XIV-344 pages

69 €


L’histoire du mythe de Babel a commencé... Qui peut répondre ? La « première » apparition du récit des constructeurs de la Tour intervient au chapitre XI du récit de la Genèse, après que la création du monde et de ses habitants eut été célébrée, après que la faute rituelle eut frappé l’humanité et l’eut plongée dans la temporalité. Yahvé fonde avec Noé, sauvé du Déluge, un pacte d’Alliance et somme sa descendance de se disperser, chaque branche « selon sa langue ». L’ordre divin proclamé dès le chapitre I (« Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre ») semblait donc se réaliser quand le discours généalogique qui fonde la dynastie de Noé et inaugure la Table des Peuples s’interrompt pour laisser la place à un court récit surprenant et paradoxal. Surprenant puisqu’il semble étranger au tissu narratif des dix premiers chapitres, faisant intervenir un groupe anonyme tiré d’une sorte de néant nommé « Orient » et attelé à une tâche extravagante. Paradoxal car il fait fi des généalogies antérieures, des langues et des nations déjà constituées, pour régresser jusqu’à ce temps mythique des commencements de l’humanité où régnait l’harmonie des voix et des cœurs. À la fin de ce chapitre babélien, la transgression des constructeurs rejette, définitivement cette fois-ci, ce dernier rêve utopique d’unité et de cohérence fusionnelle dans l’ailleurs de la conscience.
Que ces quelques versets bibliques connaissent encore aujourd’hui, quelque trois mille ans plus tard, un si fort regain de popularité, prouve la double pertinence de l’écriture mythique et de l’originalité babélienne. Pourtant, si la force de tels récits réside dans leurs remarquables capacités de réponses et d’adaptation aux bouleversements culturels provoqués par l’histoire humaine, l’impact qu’ils ont sur les époques est loin d’être régulier ou linéaire. L’actualité contemporaine de Babel, pour abondante qu’elle soit, n’est qu’un pâle reflet de ce que fut l’âge d’or du mythe à la Renaissance. Âge d’or, déjà, pour la plupart des mythes au sein d’une époque encore toute imprégnée de théologisme et pour laquelle l’Écriture demeurait le garant de l’ordre cosmique initial. Plus spécifiquement, âge d’or du mythe babélien en une époque fascinée par le pouvoir des mots, par le culte de « la » langue, et dans le même temps, si déchirée par les dissensions politiques et religieuses que provoquaient les nationalismes naissants et l’éclosion des langues en quête d’identité.