Qui a résumé les États-Unis dans cette étonnante formule, « ce pays singulier, où l’homme n’est mû que par trois idées : l’argent, la liberté et Dieu » ? C’est Stendhal qui, en 1830, a proposé ce mot qui pourrait figurer comme devise au fronton de la Maison Blanche. Formule définitive : la plus ancienne des grandes démocraties orne son billet d’un dollar d’une invocation divine. Dieu est Américain, comme le dollar et la liberté.
Stendhal est lié à l’Amérique, où il n’a jamais mis les pieds, malgré des projets de voyage, par des liens constants qui ont duré toute sa vie. Pour lui l’Amérique existe, il l’observe et la juge, il lui consacre des allusions innombrables, des textes peu connus qui sont cités abondamment dans ce livre. L’Amérique lui inspire à la fois admiration et aversion. À l’Ouest il y a quelque chose de nouveau, la liberté et le bonheur : moralement, Stendhal là-bas est chez lui. Mais le dollar est aussi le dieu de l’Amérique qui réduit Dieu à une bien pauvre présence.
Dans l’univers de Stendhal, l’Amérique est le pôle de la modernité et elle fait face au pôle de l’anti-modernité, l’Italie. Michel Crouzet, qui a consacré un livre à l’italianité stendhalienne, explore ici le versant opposé du stendhalisme, la civilisation régie intégralement par la modernité, née moderne, vivant dans la liberté des modernes, qui révèle pour le romantique l’incompatibilité avec tout ce qui peut définir la culture.