L'Optique de Saint-Simon
L'Optique de Saint-Simon
Essai sur les formes de son imagination et de sa sensibilité d'après les Mémoires



Date de parution : 2011
ISBN : 978-2-84830-148-8
15,5 x 24 cm
dos carré collé
718 pages

122 €


Sans doute l’image d’un grand écrivain n’est-elle jamais vraiment fixée : l’artiste vit d’une vie posthume. Et si l’œuvre porte le sceau de son créateur, elle peut aider à « percer l’épiderme », elle ne permet pas d’élucider pleinement tous les secrets de l’artiste, non plus que de son art. Il reste que cette création sombre, « crépusculaire », que sont les Mémoires de Saint-Simon, nous invite à éclairer de plus près une âme si étrange ; à « feuilleter » encore l’esprit de Saint-Simon, le « repasser » dans notre esprit et nous montrer à nous-mêmes ce qu’il a pour nous-mêmes d’inexplicable.
Il répète complaisamment qu’il raconte ce qu’il a vu, de ses propres yeux vu. Qu’a-t-il pu voir, en vérité, sinon Versailles, l’Espagne, quelques provinces ? Or, rien de plus fréquent dans les Mémoires que les mots « prodige », « monstre » ; lueurs flottantes... Qu’est-ce à dire sinon que l’univers décrit par Saint-Simon est aussi bien l’univers même de Saint-Simon, celui qu’il porte en lui-même ? Et que cet univers, s’il n’est pas le Moi de Saint-Simon, est en quelque manière une réponse à certaines exigences du Moi de Saint-Simon, de son intimité, de son esprit ?
Certes, notre vision du monde ne se sépare pas du monde que nous voyons ; mais elle n’est notre vision que par cet éclairage personnel, par cette lumière diffuse, en quelque sorte surnaturelle, où baigne toute chose vue, si concrète soit-elle. Ne serait-ce pas alors un moyen indirect – existe-t-il un « moyen court » ? – d’accéder au plus près du Moi central et illuminant, de Saint-Simon lui-même, qu’une exploration de cet univers saint-simonien dans ce qu’il offre précisément de moins objectif et de plus inaliénable : certain éclairage, certain climat, telle obsédante résonance ? Une semblable approximation est-elle compatible avec certaine rigueur d’analyse, ou convient-il de jouer « musicalement » de l’allusion, des modulations évasives, des prestiges du clair-obscur ? Plutôt que d’un choix, ce livre témoignera de nos incertitudes, ou de notre effort pour nous maintenir dans un état de... disponibilité. Il ne nous siérait point d’affirmer la légitimité d’un tel effort, moins encore de nous méconnaître.
Professione pietatis aut laudatus erit aut excusatus (Tacite, Agricola, III).