C’est une banalité que d’écrire que l’œuvre de Rilke est multiple, divergente, dans le miroir qu’il a tendu à ses lecteurs. Il est significatif malgré tout que sa réception soit contrastée, équivoque, paradoxale. En France, on l’a adulé, et l’on continue, au point d’avoir fait de lui un mythe, bâti sur Les Élégies de Duino et Les Sonnets d’Orphée pour la poésie, Les Cahiers de Malte pour le roman. Signe de sa présence, ces œuvres font l’objet de traductions renouvelées. Outre-Rhin en revanche, son ignorance, son mépris de l’engagement, son esthétisme, ont fait de lui un suspect. Poète de la modernité ou résolument antimoderne ; apolitique, irrationnel, peut-être même pré-fasciste ou figure emblématique de la poésie pure ; poète de l’angoisse ou de l’enfance ; lyrique plastique ou abstrait ; symboliste et expressionniste tout à la fois dans Malte ? Confusion ? Contradictions évidentes, à travers lesquelles se lisent les interrogations, mais aussi l’intensité de l’intérêt que suscitent son œuvre autant que sa personnalité.