Un essayiste d’outre-Rhin publiait il y a peu Sainte-Beuve sur le seuil de la modernité. De fait, le Lundiste connaît partout un vif regain. Mais le Poète ? – En 1820 les Méditations ouvraient le premier Romantisme. En 1829 Joseph Delorme annonce non seulement le second, mais une poésie étrangement actuelle où les poisons des faubourgs vicient l’azur des beaux quartiers. Baudelaire ne s’y trompa point : ayant strié de notes son exemplaire, il déclare : « Joseph Delorme, c’est les Fleurs du mal de la veille. » Câlinerie du cadet vers l’aîné qu’il redoute ? – Alors, voici Barrès qui le sacre parmi les « Intercesseurs ». Surprise plus forte : Nietzsche voue le critique au Crépuscule des idoles, mais sauve le poète, « précurseur de Baudelaire ». Entendons surtout la clausule de Proust : « Apparence, les Lundis, Réalité, ce peu de vers. Les vers d’un critique, c’est le poids à la balance de l’éternité de Sainte-Beuve. »
Reconnue depuis longtemps comme un classique du genre, l’édition de Vie, Poésies et Pensées de Joseph Delorme par Gérald Antoine demeure lumineuse et fraîche comme une invention littéraire.