Dès 1885, Maurice Maeterlinck qui cherchait alors sa voie, découvre les écrits du mystique flamand du XIIIe siècle, Ruysbroeck l’Admirable. C’est une véritable illumination. « Dès que je l’ai vu, écrit-il, notre art ne nous semble plus suspendu dans le vide. Il nous a donné des racines. » À travers l’œuvre du mystique, il touche pour la première fois au vrai symbole. La rencontre avec Novalis, l’auteur des Disciples à Saïs et des Fragments qu’il traduit, confirme Maeterlinck dans le choix d’une esthétique, fortement imprégnée de la tradition culturelle germanique, étendue au monde anglo-saxon, aussi bien allemand que flamand. Carlyle, W. Whitman, Poe, Swinburne, Emerson etc. deviennent ses modèles au sein d’un mythe où se mêlent romantisme, idéalisme, préraphaélisme, bouddhisme, ésotérisme, sur fond de mythologie flamande. Maeterlinck construit une dramaturgie étrangère à la tradition française, fondée sur l’analogie de l’inexprimable, de la mort et sur la nostalgie d’une communion intuitive, empathique de l’âme avec la matière. Du même coup, sa production originale, spécifique – poésie, théâtre et essais confondus – contribue à fonder l’identité de la littérature française de Belgique.
Dans la postface de sa thèse, qui se présente comme une esquisse, l’auteur a voulu mettre en évidence ceci : Maeterlinck dont les œuvres reçurent un accueil enthousiaste à Vienne entre 1890 et 1910, a joué un rôle de levain dans l’émergence de ce que les historiens de la littérature appellent « la modernité viennoise » (Wiener Moderne). La réflexion du penseur belge sur le langage, inspirée par la mystique rhéno-flamande (Ruysbroeck, Böhme, Maître Eckhart) a étendu ses ramifications notamment sur les auteurs autrichiens, H. Bahr, Hofmannsthal et Rilke. À travers ses drames et ses essais philosophiques (Le Trésor des humbles), Maeterlinck a été l’initiateur à Vienne d’une littérature axée sur l’homme intérieur et sur la mise en cause de l’identité du moi.