On chercherait en vain dans La Vieillesse de Corneille, dont la première édition remonte à 1949, ou dans les autres ouvrages de Georges Couton, de ces développements fastueux qui entraînent d’abord, puis refluent et laissent un goût de cendres. On ne trouve que des faits et des analyses, mais des analyses pleines de réserves, d’hésitations, de repentirs.
Cela donne une saisissante impression de probité. Ainsi La Vieillesse de Corneille peut être considérée comme exemplaire, bien plus solide, bien plus instructive au fond que les brillantes études que Corneille a inspirées à d’autres auteurs dans les mêmes années.
Georges Couton propose dans La Vieillesse de Corneille ce qu’on peut appeler un système pour aborder les œuvres classiques : il part de la rhétorique et singulièrement de l’allégorisme. Toute tragédie est susceptible de deux lectures allégoriques. À partir d’un épisode de l’histoire antique, la tragédie renvoie à la politique contemporaine et traite ainsi d’un problème, qui, sous des formes différentes, peut se poser en différents siècles, et peut-être dans le nôtre. L’allégorisme n’est pas seulement politique et idéologique ; il est également personnel : d’une manière voilée Corneille nous parle toujours de soi.
Cette double lecture peut s’appliquer à toutes les pièces de la « vieillesse de Corneille » : on peut toujours y retrouver deux significations qui se superposent : ces tableaux de la jeune monarchie louis-quatorzienne forment aussi une suite de confidences qui ne peuvent que nous émouvoir, sur la vieillesse et ses drames, la solitude du génie, les amours rêvées ou avortées…
(Alain Niderst)