Les travaux scientifiques de la seconde moitié du XXe siècle ont remis enfin le roman du XVIIIe siècle à la place qu'il mérite. En face du dédain voire du mépris où l'entretenait notamment notamment la critique moralisante de la fin du XIXe siècle pour laquelle les romanciers du siècle des Lumières n'étaient guère que des conteurs grivois, et Diderot, un esprit brouillon, Gustave Lanson à peu près seul voyait dans le roman « le seul genre d'art qui soit en progrès au XVIIIe siècle ». Aujourd'hui, une perspective historique et l'attention enfin portée aux techniques romanesques découvrent au XVIIIe siècle les germes de cette floraison.
Les progrès du roman au XVIIIe siècle peuvent s'organiser autour de quelques idées : le progrès dans la vérité, ou, selon un vocabulaire commode mais dangereux par son ambiguïté, le progrès du réalisme ; on dirait plutôt aujourd'hui : la présence des choses et de la société. Le roman devient peu à peu comme l'a vu Sade en 1800 dans son Idée sur les romans, « le tableau des moeurs séculaires ». – Le renouveau et le progrès du roman du sentiment et du roman d'analyse : le roman est cpable de « nous donner des nouvelles un peu sûres de nous », comme disait Marivaux en parlant du cœur. – Le progrès des ambitions des romanciers : un genre ignoré ou fustigé jusque-là par les doctes devient un genre sérieux, capable de rendre compte d'une aventure spirituelle ; capable de contribuer à bâtir une science de l'homme ; capable d'exprimer la personnalité d'un auteur, son univers, ses idées, ses sentiments, ses rêves, ses échecs, ses espoirs, et aussi sa philosophie, en l'occurrence celle des Lumières. – Les progrès de l'art : le roman, longtemps dépourvu d'art poétique, devient une œuvre d'art.