Un corps à soi
Un corps à soi
Critique du masochisme



Date de parution : 2000
ISBN : 978-2-84564-014-5
23 ill. n/b
17 x 21,5 cm
dos carré collé
80 pages

27 €


Le corps est devenu pour la jeunesse depuis les années soixante un mode et un lieu d’inscription. La peau facilite ces inscriptions : elle est à la fois une surface sur laquelle on peut s’écrire une histoire et le moyen d’exprimer les relations avec sa propre histoire. Bien des maladies de peau sont reconnues aujourd’hui comme des maladies psychosomatiques, autrement dit, l’esprit utilise la peau pour manifester aux autres et à soi-même ses difficultés affectives ou organiques. Mais le tatouage et le piercing manifestent une volonté consciente là où les manifestations psychosomatiques sont souvent inconscientes, à l’insu du sujet. Par le dessein ou les symboles chacun transforme son corps en pillow book. Tenir son journal avec son corps : faire écrire ses amants plutôt que faire l’amour avec eux. L’écriture tient lieu d’amour réel pour la peau : l’amour est moins ce que l’on est capable de faire que ce que l’on est capable de s’écrire sur le corps ; le pinceau prend la place du texte et la peau devient un tableau vivant, éphémère, effaçable, retrouvant la virginité de la page blanche. Comme si le corps pouvait oublier les incorporations et les pénétrations diverses par l’écriture renouvelée : le texte devient le geste, le corps prenant texture. A l’inverse de la peinture corporelle, le tatouage est un livre incarné que l’on porte sur soi et qui est lisible aux yeux des autres ; cette sorte d’écritoire public trahit la difficulté pour le sujet à intérioriser sa propre histoire et trouve la nécessité de la rendre visible pour pouvoir l’assumer, ou du moins la supporter. A un moment où les technologies consistent à effacer ce qui a été enregistré (cassette, C.D.), où les biotechnologies proposent de cloner les individus ou de créer par la transgenèse de nouvelles espèces, le tatouage maintient le temps dans l’éternité de la peau vivante.