Il n’est guère de plus bel hommage que l’attention que Marcel Raymond, le maître de la « critique de la conscience », a prêtée à T. de Visan dans son grand livre De Baudelaire au Surréalisme : « Dans ses études d’inspiration bergsonienne sur L’Attitude du lyrisme contemporain, Tancrède de Visan fut conduit à faire de la poésie une sorte de métaphysique irrégulière et à définir le rôle essentiel de l’image, qui tend à symboliser de manière concrète, à incarner, un “état d’âme” se développant dans la durée. [...] Sa [du poète] seule intention légitime doit être de pénétrer jusqu’au cœur de cette réalité. S’il échoue fatalement malgré ses efforts, si les images qui s’offrent à lui ne peuvent être en définitive que des symboles – non pas l’être même, mais quelque chose qui est cependant plus qu’un indice, qu’un signe, et auquel l’être participe – il n’en doit pas moins se vouer à l’expression aussi directe que possible de cet ineffable ».
La qualité de l’entreprise de Visan ne peut être définie de manière plus approfondie. Celle-ci consiste donc dans le rapprochement d’un certain mode de connaissance philosophique, celle que prône Bergson, et de l’expérience fondamentale de la vie, revécue par le poète, intuitivement, au-dedans de lui-même. Ce constat de Marcel Raymond évalue la thèse de Visan à sa juste hauteur : « Nous rejoignons ici, écrit-il, en même temps que le grand chemin du mysticisme, celui du romantisme intérieur ». C’est rendre justice à cet historien de la littérature resté trop méconnu.