<i>Paul et Virginie</i>, ou les Réserves de la nature
Paul et Virginie, ou les Réserves de la nature
Nouvelle édition



Date de parution : 2000
ISBN : 978-2-84830-135-8
13 x 20,5 cm
dos carré collé
162 pages

40 €


L'Avant-Propos de la première édition de Paul et Virginie, en 1788, tisse un réseau d'intentions qui cerne, de façon assez lâche, l'objet littéraire que Bernardin de Saint-Pierre a mis au jour. A première vue, on chercherait en vain leur unité, sinon peut-être dans les efforts de l'auteur pour fuir tout ce qui a trait au "roman", ce qu'est pour nous, de toute évidence, Paul et Virginie. Mais jamais Bernardin n'use de ce mot pour désigner sa nouvelle œuvre. Il commence en effet par déclarer qu'il a voulu « peindre un sol et des végétaux différents de ceux de l'Europe ». Mettre ainsi en avant l'aspect documentaire de ce qu'il nomme ensuite une « espèce de pastorale », peut surprendre le lecteur moderne, à qui reviennent d'abord en mémoire le drame humain, les débats de l'amour et de la mort, bref tout le pathétique auquel ce livre doit l'immense succès que l'on connaît. Quel étrange souci de la litote, ou de la métonymie, inspire cette espèce de réification, que le titre même de l'œuvre dément ? Peut-être existe-t-il un consensus tacite entre l'auteur et un public suffisamment au fait de ce que peut contenir une pastorale, quoique Bernardin module, en guise d'avertissement « une espèce de... » ? A quel calcul de modestie, ou de pudeur, imputer qu'avec tant d'émotion à venir Bernardin, nouveau Janus de l'ambiguïté romanesque, emprunte la double figure du géographe et du botaniste ? Ou encore : se défiait-il à ce point de ses dons littéraires ?
Mais nous ne sommes pas au bout des détours que nous fait emprunter celui qui se présente à nos yeux comme un romancier  honteux, et la fin de son Avant-Propos révèle un dessein beaucoup plus réfléchi : si Bernardin décline de prendre rang parmi les créateurs de fiction romanesque, c'est aussi que Paul et Virginie n'est pas un objet isolé, et qu'il se rattache à un tout, dont il émane et qui l'englobe : « J'ai donc compris ce faible essai sous le nom et à la suite des Etudes de la Nature, que le public a accueillies avec tant de bonté. »
Il n'est donc pas question de litote, ni de modestie : au contraire, Bernardin a fait bien plus sérieux qu'un roman, et Paul et Virginie se présente comme une nouvelle Etude de la Nature, un « essai », où l'on est invité à croire que l'observation l'emporterait sur la fiction. Si modestie il y a, c'est celle qu'exigent à la fois les bienséances peu sincères qui régissent les rapports de l'auteur avec son public, l'humilité plus authentique du chercheur devant l'objet de sa recherche, et l'effacement du mystique devant l'absolu – ici la Nature.